- Participants :
- Mme VIARD, directrice de la santé publique ( ARS )
- Mr le Dr COTRELLE, responsable du pôle veille et sécurité sanitaire ( ARS )
- Mr LE BOUARD responsable de l’unité départementale santé-environnement de Seine Maritime
- Dr X ( Rouen Respire )
- Nathalie LE MEUR pharmacienne-biologiste ( Rouen Respire )
- Dr Michel CHADELAUD ( Rouen Respire )
Accueil courtois au siège de Rouen de l’ARS de Normandie. Une liste de questions précises avait été transmise la veille à l’ARS.
Sujets discutés
1) Information des médecins traitants généralistes et spécialistes : l’ARS reconnait avoir eu des difficultés à informer le corps médical en début de crise. Sur ce retour d’expérience, ils étudient la faisabilité d’utiliser d’autres moyens de communication plus efficaces.
2) L’essentiel du suivi sanitaire prévu à court terme repose sur les établissements hospitaliers et la médecine libérale. Rouen Respire a souligné qu’une minorité des personnes affectées a consulté son médecin traitant. Les médecins étaient peu ou pas informés des possibilités de déclarations des évènements de santé anormaux. Nous avons plaidé pour une enquête rapide la plus exhaustive possible auprès de toute la population concernée.
3) Rouen Respire a dénoncé la définition trop restrictive de la toxicité aiguë retenue par les autorités ( atteintes létales ou irréversibles ). L’essentiel de la toxicité à court terme échappe à cette définition, et ne se limite pas aux “gênes engendrées par les mauvaises odeurs”. Par exemple, l’exacerbation d’une crise d’asthme est une situation à risque, et pas une simple ” gêne “. D’où l’intérêt de notre proposition d’une étude d’impact sur la santé à court terme. De plus, nous avons souligné l’intérêt d’études ciblées sur l’incidence des fausses couches, des foetopathies, des malformations congénitales et des IVG par anxiété maternelle.
4) Il n’y a pas de toxicologue dans le personnel de l’ARS. L’Agence s’appuie donc sur le concours d’agences extérieures ( INERIS, ANSES, etc ), sur ATMO Normandie, sur certains membres de l’Université de Rouen et du CHU.
5) Nous avons plaidé pour un recensement le plus complet possible des 287 000 personnes exposées au panache et/ou à ses retombées ainsi qu’aux pollutions hors panache. Assurer à vie la traçabilité de cet antécédent dans chaque dossier médical partagé ( DMP ) nous semble essentiel à titre individuel ( en cas de pathologie différée) et à titre collectif ( si des agrégats de maladies = ” cluster ” devaient être identifiés dans le futur ).
6) Nous avons attiré l’attention de l’ARS sur le suivi et l’aide à apporter aux personne anxieuses, et aux syndromes post-traumatiques, les structures d’accueil et d’orientation initiales étant aujourd’hui fermées. Le N° vert mis en place n’est actuellement pas en capacité d’orienter les personnes anxieuses pour une prise en charge.
7) Long débat sur Mercredi 4 Décembre 2019 l’arbre décisionnel publié sur le site de la préfecture et de l’ARS. L’Interprétation Environnementale des Milieux ( IEM ) est capitale, car elle conditionne toute action ultérieure des autorités. Nous comprenons que le coût soit à la charge des exploitants selon le principe du pollueur-payeur. Mais nous ne comprenons pas que la maîtrise d’ouvrage de cette IEM soit confiée à ces mêmes exploitants (même si c’est conforme à la réglementation en l’espèce). Le conflit d’intérêt est évident ! Nous ne pouvons nous satisfaire de la tierce expertise prévue par l’ANSES et l’INERIS, car ils se prononceront sur les seuls résultats des exploitants, et seulement au stade ultérieur de l’EQRS, donc dans le seul cas d’IEM positive. Comment croire que des ” présumés délinquants ” ( selon la Préfecture et la DREAL) apporteront eux-mêmes les preuves de leurs délits ?….. L’ARS a indiqué que l’EQRS prendrait également en compte la modélisation du panache. Nous avons indiqué que des personnes hors panache, par exemple celles vivant à Petit Quevilly pouvait également avoir été exposées.
8) Si cette IEM se révélait ” négative “, nous aurions peine à croire qu’un incendie consumant en 12 heures 9500 tonnes de produits chimiques (dont beaucoup sont toxiques voire très toxiques) n’aurait eu aucune conséquence, ni sanitaire ni environnementale, importante. Nous avons insisté sur les pollutions habituelles sinon inéluctables dans de telles circonstances par les HAP, les dioxines, les métaux lourds et l’amiante. Une surveillance des registres des cancers et de l’incidence de certaines maladies (hémopathies, maladies respiratoires, du foie, des reins,etc ) nous semble donc indispensable dans le futur de notre région.
9) Concernant l’amiante, le nombre de morceaux de toit et de touffes de fibres retrouvées dans des jardins de particuliers rend certaine à notre avis, la présence en nombre de fibres d’amiante dans le panache, nonobstant les rares analyses réalisées dans l’air et sur un vêtement de pompier.
10) Les problèmes rencontrés par le milieu scolaire ont été dénoncés, avec des gestions locales hasardeuses, tant pour la communication de crise, les fermetures-ouvertures d’établissement, que pour les modalités de nettoyage-décontamination, et pour les conseils de prévention ( activités extérieures, etc ). Ceci pourrait avoir des conséquences sur la santé des plus jeunes.
11) Nous avons demandé si des prélèvements biologiques (placenta, liquide amniotique prélevés pour d’autres raisons, sang, urines, cheveux, lait maternel) avaient été ou seraient effectués à titre conservatoire pour d’éventuelles analyses toxicologiques ultérieures. A la connaissance de l’ARS, il n’y a rien qui ait été fait en ce sens.
12) L’ARS ne sait pas encore ce qui va être fait par l’université mais un RDV est prévu avec le Pr Laignel (déjà rencontré par Rouen Respire) dans les prochains jours.
13) Les réponses obtenues de l’ARS ont été aimables, mais souvent imprécises, incomplètes et incertaines, et nous ont semblé assez formelles. Nous avons proposé aux personnes rencontrées de nous transmettre par écrit les réponses complémentaires aux questions que nous avions préparées en amont (liste des questions en annexe)
14) Compte-tenu de la bonne volonté affichée par nos interlocuteurs, nous avons proposé notre concours pour les diagnostics et la définition des actions de prévention à L’ARS. Celle-ci s’est dite favorable à cette collaboration, et nous oriente vers Santé Publique France, qui élabore actuellement une ” enquête participative sur le ressenti de la population “. Un sous-groupe Santé, issu du « Comité de transparence et de dialogue », devrait contribuer à l’élaboration de cette enquête, il nous est proposé de nous y joindre. Cette démarche pourrait avoir un réel intérêt, à la condition que cette étude ne se limite pas in fine au seul ” ressenti ” subjectif de la population…
Les représentants du groupe Santé
Les QUESTIONS ADRESSEES à l’ARS
(en attente de réponses)
En dehors des appels au SAMU et des passages à l’hôpital, quelle connaissance avez-vous actuellement de l’impact de l’accident sur la santé de la population de l’agglomération (types de symptômes organiques et psychologiques en population générale) ? Avez- vous étudié la fréquence de ces symptômes ?
Lors de son audition au sénat, Madame Gardel a indiqué que les médecins pouvaient déclarer des évènements anormaux dans le point focal régional. Les médecins et les habitants ont-ils été bien informés de la possibilité d’utilisation de cette interface pour signaler des problèmes de santé en lien avec l’incendie ?
L’ARS accepterait elle de réaliser une étude d’impact sur la santé à court terme qui pourrait être proposée à l’ensemble de la population ?
Les prescriptions de bronchodilatateurs, d’antitussifs, de collyres, de corticoïdes, d’antiémétiques, d’AINS ont elles augmentées sur Rouen, Bois Guillaume et Mont Saint Aignan au cours des deux mois qui ont suivi d’incendie par rapport au niveau de prescription habituel en cette saison ?
Comment expliquez-vous le surplus d’arrêt maladie (dénombrés à 1000
en 2 semaines) : toxicité aiguë (non létale) ? anxiété des populations ?
stress post traumatique ? symptômes ? incapacité de travailler dans un
environnement pollué ?
Sur le principe du « pollueur payeur », la prise en charge financière de
ces arrêts maladie, de ceux qui suivront, et des traitements associés
sera elle mise à la charge du pollueur ou de l’assurance maladie ?
Parmi les experts de l’ARS qui évaluent les risques sanitaires pour la population (amiante et produits chimiques brulés et non brulés, autres matériaux), y a-t-il des toxicologistes ?
Pensez-vous que les mesures mises en place par la préfecture et l’ARS
ont permis et permettent encore de protéger suffisamment toute la
population notamment :
– les riverains
– les personnes fragiles (personnes précaires, personnes incarcérées à
proximité, femmes enceintes, personnes âgées et souffrantes, enfants …)
– les élèves
– les utilisateurs (adultes et enfants) des équipements de sport
Avez-vous commencé à recenser la population exposée ? (Habitants, travailleurs) D’autres éléments que l’IEM pourront-ils être considérées comme facteur d’exposition à la pollution, par exemple la survenue de symptômes, la perception d’odeurs ?
La zone considérée comme exposée ne doit pas être étendue à certaines zones non survolées par le nuage, par exemple les zones où des odeurs ont été senties ?
Comment faire pour que l’exposition à cette pollution soit tracée à vie dans le dossier médical de chaque personne ayant potentiellement été exposée y compris en cas de changement de médecin (produits chimiques, fibres d’amiante) ? Cet antécédent d’exposition pourrait il être intégré au dossier médical partagé (DMP) ?
En dehors de ceux réalisés pour les pompiers, des prélèvements biologiques à titre conservatoires ont-ils été stockés en vue d’éventuelles analyses toxicologiques (lait maternel, sang, urines, cheveux, liquide amniotique, placenta) ?
Quels sont les actions de recherche scientifique ou de recueil auprès des médecins initiées pour connaître l’impact sanitaire : Surveillance épidémiologique des cancers ? Surveillance épidémiologique des fausses couches, des malformations fœtales et à la naissance ? Surveillance épidémiologique des problèmes respiratoires et ORL ? Recensement des troubles psychologiques générés par l’accidents et par ses conséquences économiques ? Nombre d’IVG par anxiété maternelle dans les semaines suivant l’incendie ?
Interrogerez vous les employeurs et les services de santé au travail sur leurs constatations sanitaires pendant et après cette crise ?
La surveillance renforcée de la population rouennaise annoncée par Mme Buzyn a elle commencé. Sinon, quand démarrera-t-elle ?
Pensez-vous que les habitants et les agriculteurs ont été suffisamment accompagnés pour décontaminer les zones souillées (toitures, jardins, produits agricoles) ?
Des mesures sont-elles prévues pour éviter que des produits potentiellement contaminés soient encore éliminés dans la nature, voire remis en vente ?
Pourquoi les analyses toxicologiques faites dans l’eau ne sont-elles pas publiées sur le site du ministère pour chaque commune comme cela est fait pour les analyses habituelles ? Sur quelle durée vont être réalisées ces mesures toxicologiques dans l’eau ?
Comment appréhendez-vous les inégalités sociales quant aux possibilités d’accès aux soins (par ex pour une prise en charge psychologique) ou de nettoyage des habitations contaminées ?
Avez-vous pris des mesures pour limiter la consommation de produits de cueillette (champignons), d’animaux de chasse et de pêche, de miel provenant des zones contaminées ? Si oui lesquelles et pendant combien de temps pensez-vous maintenir ces mesures ?
La cellule de soutien psychologique mise en place a été fermée le 11 octobre, soit deux semaines après l’incendie. Or, nous savons que les états de stress post-traumatiques peuvent se révéler plusieurs semaines à plusieurs mois après l’évènement. Quelles mesures avez-vous prises pour accompagner les personnes concernées, sachant que le N° vert ne semble pas savoir répondre à cette question ?
Privé)Pensez-vous que l’installation de la foire St Romain dans une zone encore polluée et juste en face d’un site où des opérations extrêmement dangereuses s’effectuait était raisonnable du point de vue de la santé des personnes y travaillant et s’y rendant (enfants) ? Y a-t-il eu des mesures de qualité de l’air à cette période sur cette zone ?
Quel est votre rôle dans l’Interprétation Environnementale des Milieux (IEM) prescrite par le préfet suite à cet incendie, et dans l’Évaluation Quantitative des Risques Sanitaires (EQRS) ? L’ARS pourrait-elle apporter son expertise régionale à l’EQRS ?
Les résultats d’analyses obtenus par l’IRES de Strasbourg vous paraissent-ils le signe d’une pollution environnementale avérée justifiant la mise en place de précautions particulières pour les populations ?
Si Rouen Respire répondait positivement à l’appel lancé par l’ARS pour l’élaboration de l’enquête en population, qu’attendriez-vous d’une association comme la nôtre, qui compte différents médecins ou professionnels de l’environnement, et à laquelle ont adhéré plus de 1500 personnes en grande partie victimes, matérielle, sanitaire et/ou psychologique ?
Compte tenu des délais parfois importants pour informer les médecins (délai d’envoi et d’acheminement du courrier), pensez-vous qu’un système d’information des médecins passant par une autre organisation pourrait être plus efficace ?