Trois représentants du groupe Santé de l’association ont obtenu un rendez-vous à l’Agence Régionale de Santé afin de discuter des mesures sanitaires mises en œuvre par les institutions depuis l’incendie.
Ce groupe de travail constitué essentiellement de professionnels de santé (médecins généralistes, du travail, de catastrophe, biologistes, échographistes…) ainsi que d’autres professionnels et personnes de la société civile (biostatisticiens, ingénieurs, parents, professeurs..) a travaillé depuis plusieurs semaines sur l’interprétation des résultats d’analyses effectuées, sur des recueils d’informations auprès de la population, sur des précautions à visée sanitaire et a mis en place une veille portant sur l’ensemble des informations disponibles de la presse, des sites institutionnels, des réseaux sociaux…
Dans un esprit de coopération vigilante, les membres représentants ont transmis à l’ARS une liste de questions très précises (disponible sur le site internet : lien à ajouter). Les réponses obtenues n’ont pas toujours été celles que l’association espérait, notamment sur la mise en œuvre de prélèvements biologiques à titre conservatoire pour d’éventuelles analyses toxicologiques.
L’association a insisté sur la nécessité d’avoir une bonne connaissance des symptômes et des désagréments ressentis par la population dans la phase aiguë de la crise, sans se limiter aux seuls indicateurs de santé car beaucoup d’habitants ne se sont pas rendus chez leur médecin. Ceci devrait se faire sans tarder car de nombreuses informations seront perdues si le temps du questionnement est retardé.
L’ARS a été sollicitée pour mettre en place des mesures qui permettraient de tracer à vie, (dossier médical partagé), l’exposition à la pollution pour l’ensemble de la population concernée (y compris les personnes qui ne sont pas allées chez le médecin, et celles qui n’étaient pas sous le panache mais ont ressenti de fortes odeurs, parfois sur de longues durées). Pour les membres du groupe Santé, il s’agit, parmi d’autres, d’un moyen indispensable pour pouvoir ensuite établir des liens de causalité si des manifestations cliniques ultérieures apparaissaient, et en particulier si les personnes déménagent, ou changent de médecin. Cette traçabilité a un intérêt individuel mais aussi collectif en cas d’augmentation de pathologies dans l’avenir. Ceci pourrait concerner les fœtus en cours de gestation au moment de l’incendie.
Enfin, l’association a fait part à l’ARS de ses inquiétudes quant à la fiabilité de l’interprétation environnementale des milieux (IEM) et de l’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) confiée en grande partie aux exploitants, pour lesquels l’évident conflit d’intérêt est notable. Ainsi, des résultats d’analyses environnementales négatives ne devraient pas dispenser d’une surveillance sanitaire rapprochée de la population.
A l’issue de la réunion, l’ARS a proposé à l’association de participer au travail de Santé Publique France chargée d’élaborer un questionnaire épidémiologique auquel un échantillon de la population pourra répondre.
ANNEXE
QUESTIONS DU GROUPE SANTE ROUEN RESPIRE ADRESSEES à l’ARS
avant la réunion du 4 décembre 2019 et en attente de réponses
En dehors des appels au SAMU et des passages à l’hôpital, quelle connaissance avez-vous actuellement de l’impact de l’accident sur la santé de la population de l’agglomération (types de symptômes organiques et psychologiques en population générale) ? Avez- vous étudié la fréquence de ces symptômes ?
Lors de son audition au sénat, Madame Gardel a indiqué que les médecins pouvaient déclarer des évènements anormaux dans le point focal régional. Les médecins et les habitants ont-ils été bien informés de la possibilité d’utilisation de cette interface pour signaler des problèmes de santé en lien avec l’incendie ?
L’ARS accepterait elle de réaliser une étude d’impact sur la santé à court terme qui pourrait être proposée à l’ensemble de la population ?
Les prescriptions de bronchodilatateurs, d’antitussifs, de collyres, de corticoïdes, d’antiémétiques, d’AINS ont elles augmentées sur Rouen, Bois Guillaume et Mont Saint Aignan au cours des deux mois qui ont suivi d’incendie par rapport au niveau de prescription habituel en cette saison ?
Comment expliquez-vous le surplus d’arrêt maladie (dénombrés à 1000 en 2 semaines) : toxicité aiguë (non létale) ? anxiété des populations ? stress post traumatique ? symptômes ? incapacité de travailler dans un environnement pollué ?
Sur le principe du « pollueur payeur », la prise en charge financière de ces arrêts maladie, de ceux qui suivront, et des traitements associés sera elle mise à la charge du pollueur ou de l’assurance maladie ?
Parmi les experts de l’ARS qui évaluent les risques sanitaires pour la population (amiante et produits chimiques brulés et non brulés, autres matériaux), y a-t-il des toxicologistes ?
Pensez-vous que les mesures mises en place par la préfecture et l’ARS ont permis et permettent encore de protéger suffisamment toute la population notamment :
– les riverains
– les personnes fragiles (personnes précaires, personnes incarcérées à proximité, femmes enceintes, personnes âgées et souffrantes, enfants …)
– les élèves
– les utilisateurs (adultes et enfants) des équipements de sport
Avez-vous commencé à recenser la population exposée ? (Habitants, travailleurs) D’autres éléments que l’IEM pourront-ils être considérées comme facteur d’exposition à la pollution, par exemple la survenue de symptômes, la perception d’odeurs ?
La zone considérée comme exposée ne doit pas être étendue à certaines zones non survolées par le nuage, par exemple les zones où des odeurs ont été senties ?
Comment faire pour que l’exposition à cette pollution soit tracée à vie dans le dossier médical de chaque personne ayant potentiellement été exposée y compris en cas de changement de médecin (produits chimiques, fibres d’amiante) ? Cet antécédent d’exposition pourrait il être intégré au dossier médical partagé (DMP) ?
En dehors de ceux réalisés pour les pompiers, des prélèvements biologiques à titre conservatoires ont-ils été stockés en vue d’éventuelles analyses toxicologiques (lait maternel, sang, urines, cheveux, liquide amniotique, placenta) ?
Quels sont les actions de recherche scientifique ou de recueil auprès des médecins initiées pour connaître l’impact sanitaire : Surveillance épidémiologique des cancers ? Surveillance épidémiologique des fausses couches, des malformations fœtales et à la naissance ? Surveillance épidémiologique des problèmes respiratoires et ORL ? Recensement des troubles psychologiques générés par l’accidents et par ses conséquences économiques ? Nombre d’IVG par anxiété maternelle dans les semaines suivant l’incendie ?
Interrogerez vous les employeurs et les services de santé au travail sur leurs constatations sanitaires pendant et après cette crise ?
La surveillance renforcée de la population rouennaise annoncée par Mme Buzyn a elle commencé. Sinon, quand démarrera-t-elle ?
Pensez-vous que les habitants et les agriculteurs ont été suffisamment accompagnés pour décontaminer les zones souillées (toitures, jardins, produits agricoles) ?
Des mesures sont-elles prévues pour éviter que des produits potentiellement contaminés soient encore éliminés dans la nature, voire remis en vente ?
Pourquoi les analyses toxicologiques faites dans l’eau ne sont-elles pas publiées sur le site du ministère pour chaque commune comme cela est fait pour les analyses habituelles ? Sur quelle durée vont être réalisées ces mesures toxicologiques dans l’eau ?
Comment appréhendez-vous les inégalités sociales quant aux possibilités d’accès aux soins (par ex pour une prise en charge psychologique) ou de nettoyage des habitations contaminées ?
Avez-vous pris des mesures pour limiter la consommation de produits de cueillette (champignons), d’animaux de chasse et de pêche, de miel provenant des zones contaminées ? Si oui lesquelles et pendant combien de temps pensez-vous maintenir ces mesures ?
La cellule de soutien psychologique mise en place a été fermée le 11 octobre, soit deux semaines après l’incendie. Or, nous savons que les états de stress post-traumatiques peuvent se révéler plusieurs semaines à plusieurs mois après l’évènement. Quelles mesures avez-vous prises pour accompagner les personnes concernées, sachant que le N° vert ne semble pas savoir répondre à cette question ?
Pensez-vous que l’installation de la foire St Romain dans une zone encore polluée et juste en face d’un site où des opérations extrêmement dangereuses s’effectuait était raisonnable du point de vue de la santé des personnes y travaillant et s’y rendant (enfants) ? Y a-t-il eu des mesures de qualité de l’air à cette période sur cette zone ?
Quel est votre rôle dans l’Interprétation Environnementale des Milieux (IEM) prescrite par le préfet suite à cet incendie, et dans l’Évaluation Quantitative des Risques Sanitaires (EQRS) ? L’ARS pourrait-elle apporter son expertise régionale à l’EQRS ?
Les résultats d’analyses obtenus par l’IRES de Strasbourg vous paraissent-ils le signe d’une pollution environnementale avérée justifiant la mise en place de précautions particulières pour les populations ?
Si Rouen Respire répondait positivement à l’appel lancé par l’ARS pour l’élaboration de l’enquête en population, qu’attendriez-vous d’une association comme la nôtre, qui compte différents médecins ou professionnels de l’environnement, et à laquelle ont adhéré plus de 1500 personnes en grande partie victimes, matérielle, sanitaire et/ou psychologique ?
Compte tenu des délais parfois importants pour informer les médecins (délai d’envoi et d’acheminement du courrier), pensez-vous qu’un système d’information des médecins passant par une autre organisation pourrait être plus efficace ?
Retrouvez ici la liste des questions adressées à l’ARS.